Avant de pouvoir rentrer dans le vif de sujet, nous devons comprendre quel est l’historique du terrain électoral Réunionnais.
Constatons tout d’abord les résultats de diverses élections nationales en 15 ans à la Réunion :
Au premier tour des élections présidentielles de 2007, la candidate PS fait 46% et le candidat UMP fait 25%. Au second tour, ils font respectivement 64% et 36%.
Au premier tour des élections présidentielles de 2012, le candidat PS fait 53% au et le président-candidat UMP sortant fait 18%. Au second tour, ils font respectivement 71% et 29%. Au premier tour, la candidate frontiste arrive en 3ème position à 10% et Mélenchon en 5ème position à 7%.
Aux élections européennes de 2014, la liste de Mélenchon arrive en tête à 23%, suivi de la liste UMP à 22%, la liste PS à 16% et la liste FN à 13%.
Au premier tour des élections présidentielles de 2017, le candidat LFI fait 24% et la candidate FN fait 23%. Au second tour, Macron fait 60% et la candidate FN fait 40%.
Aux élections européennes de 2019, la liste RN arrive en tête à la Réunion dans les 24 communes avec 31% suivi par la liste LFI à 19%.
Aux élections régionales de 2021, la liste coalition centre-gauche de Bello avec PLR-LFI-PS-PCR-Territoire de Progrès (donc complètement Macron-compatible) remporte à 52% face à la liste Divers Droite du président sortant à 48% avec 47% de participation, soit bien supérieur des 35% au niveau national. On est la deuxième région française avec le meilleur taux de participation (après Mayotte) et surtout la seule région française à faire basculer le président sortant. L’abstention national sert à la réélection de tous les présidents sortants de régions.
A deux semaines des présidentielles de 2022, ce sondage sur la bonne opinion des candidats à la présidentielles à la Réunion donne Mélenchon le grand favori des Réunionnais en tête à 56%, Marine Le Pen à 44%, Macron à 38% et le dernier de la liste Zemmour à 22%.
Analysons maintenant les dynamiques électorales Réunionnaises de ces 15 dernières années:
A la fin du quinquennat de Sarkozy très impopulaire à la Réunion et sévèrement jugé comme brutal dans la destruction des acquis sociaux à cause de l’austérité, le reflexe du vote contestataire de gauche anti-Sarkozy passe de 64% à 71% entre 2007 et 2012, ce qui est disproportionnelle par rapport au niveau national.
Sarkozy remporte les élections en 2007 avec 36% à la Réunion, tandis que Marine Le Pen perd les élections en 2017 avec 40% à la Réunion, ce qui est paradoxalement un succès pour un échec. Le Pen serait donc indéniablement beaucoup plus populaire que Sarkozy à la Réunion.
La période 2012/2019 est marqué par une progression respective mais différente de Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon à la Réunion. En 7 ans, on y remarque un succès électoral progressive de Marine Le Pen élection par élection (qui passe de 10% en 2012, à 13% en 2014, à 23% en 2017 et 31% en 2019). Tandis que Mélenchon lui arrive dès entre 2012 et 2014 à capitaliser l’électorat socialiste réunionnais déçu d’Hollande, passant de 7% à 23% entre 2012 et 2014, pour se stabiliser en 2017 à 24% et s’écrouler à 19% en 2019 face au vote d’adhésion en faveur de Marine Le Pen à 31%.
On remarque également lors des élections présidentielles de 2017, une fracture électorale géographique quand Marine Le Pen passe de 23% au premier tour à 40% au second tour :
Les communes de l’axe nord-est/sud-est, en passant par les communes des hauts dont les Cirques, voient une surperformance de Marine Le Pen au-delà de sa moyenne département à 40%, soit dans les alentours de 42%, voire au-delà des 45%, voire même au-delà de la barre symbolique des 50%. (L’axe Ste-Marie/Petite-Ile, en passant par St-Louis/Cilaos et les Plaines).
En revanche, Marine Le Pen est en sous performance de sa moyenne départementale à 40% dans l’axe nord-ouest/sud-ouest (l’axe St-Denis/St-Pierre et tout la côte ouest à l’exception de St-Louis et de L’Etang-Salé).
Le clivage géographique est facilement lisible : la quasi-totalité des petites communes, à prédominances rurales voient une surperformance du vote Marine Le Pen. Dans ces communes, le report des voix de Jean-Luc Mélenchon du premier tour semble plutôt bien s’effectuer sur la candidature de Marine Le Pen au second tour. Ce sont ces mêmes communes liées à l’établissement historiques des petits-blancs réunionnais (dit « yab ») en zone rurale. En revanche, l’axe nord-ouest/sud-ouest on y a constaté la sous-performance électorale de Marine Le Pen, tout simplement car l’électorat de gauche mélenchoniste ne s’est pas massivement transférer sur la candidature frontiste, contrairement à l’autre moitié est de l’île. Pourquoi ? Par déduction, il est assez visible de constater que l’électorat mélenchoniste de l’ouest s’imbrique avec la présence des quartiers issu de la minorité noire réunionnaise (dit « kaf »).
Pour schématiser ce constat : un créole réunionnais « yab » ayant voté Mélenchon au premier tour par contestation peut beaucoup plus facilement voter Le Pen au second tour toujours par contestation, qu’un réunionnais « kaf » ayant voté Mélenchon au premier tour par contestation qui vote Macron au second tour par peur de « l’extrême-droite raciste ». Ce sont deux reflexes de vote mélenchoniste totalement différents en fonction de son ancrage géographique et de son origine ethnique.
Conclusion :
Alors que le score de Marine Le Pen a augmenté entre 2017 et 2019 passant de 23% à 31%, et celui de Mélenchon qui stagnait déjà passe de 24% à 19%, au dernier virage avant les présidentielles de 2022 comment se fait-il que Mélenchon devancerait-il largement Marine Le Pen en termes de popularité dans ce très révélateur sondage ? Il y a aurait une quadruple explications :
- L’élection de la cordiale coalition de centre-gauche (cordial sur le papier, pas en interne) à la tête de la Région, dont la Présidente Bello qui parraine Mélenchon avec 28 autres élus alliés du conseil régional, du conseil général et des autres maires (exclusivement tous de gauche bien sûr). Mélenchon est le candidat à la présidentielle qui fait le carton par rapport au nombre de parrainages des élus Réunionnais. L’élection de Bello rime avec la réunification de toutes les petites chapelles de gauche désunie de l’île depuis des années.
- Mélenchon bénéficie dans cette configuration le reflexe du vote utile à gauche car plusieurs élus socialistes réunionnais l’ont parrainée. Nous sommes un département où Ségolène Royale a fait 64% en 2007, François Hollande 71% en 2012 et Emmanuel Macron 61% en 2017 avec le soutien non-négligeable de cette même gauche qui, 5 ans plus tard en 2022, soutient … Jean-Luc Mélenchon !
- Marine Le Pen a beau recevoir pour la 1ère fois, lors de son troisième essai à l’élection présidentielle, 5 parrainages d’élus Réunionnais « divers droite » et même d’un député Les Républicains (Jean-Luc Poudroux). Cela ne change en rien au fait que la fédération RN de la Réunion n’a plus de siège et le peu de militants marinistes d’antan, qui assumaient publiquement de l’être malgré la diabolisation bête et méchante des gauches locales, se sont cette-fois engagé derrière Florian Philippot, derrière Nicolas Dupont-Aignan ou tout simplement derrière Éric Zemmour (avec toutes les affiches présentes sur l’île, ce qui ne changera pas le minuscule score qu’il va faire localement). Le travail de terrain est complètement zappé depuis les élections présidentielles et législatives de 2017.
- Contrairement à l’ère médiatiquement populaire du moment « souverainiste » sous le quinquennat Hollande et le tout début du mandat Macron, Marine Le Pen s’est affaibli dans l’inconscient collectif Réunionnais lors de ce quinquennat aux allures faussement droitier d’Emmanuel Macron. Ce dernier s’est déplacé petit à petit vers le centre-droite. Le succès Réunionnais de Mélenchon s’explique en autre à cause de cette perception droitière qu’ont les Réunionnais de Macron l’ultralibéral aux phrases chocs, où ils sont prêts à le rejeter encore plus massivement que Sarkozy. Le duel Macron/Mélenchon arrange confortablement toute la classe politique local dans ce faux clivage gauche/droite pour que la gauche puisse se dédouaner à tout jamais du fait qu’elle est…. Macron-compatible et qu’elle a appelé à voter pour lui en 2017 !
La principale question ne sera pas : quel sera l’écart entre le futur brillant score de Mélenchon qui arrivera très largement en tête (avec toute la promotion des élus de gauche réunionnais parce que oui c’est le populisme modéré autorisé par les médias) et celui de Marine Le Pen reléguée vulgairement en seconde position au premier tour des présidentielles à la Réunion ? Mais la question sera plutôt : qui va mieux cristalliser la contestation anti-Macron au niveau national dans ces 2 dernières semaines de campagne, Le Pen ou Mélenchon ?
Mélenchon était déjà arrivé légèrement en tête en 2017, pour ne pas être qualifier au second tour ensuite. Est-ce que cela va-t-il se reproduire de nouveau en 2022 ? Mélenchon va-t-il dépasser le plafond de verre des 14% avec la multitude des candidats à gauche (Lutte Ouvrière, le Nouveau Parti Anti-Capitaliste, le Parti Communiste Français, Europe Ecologie Les Vert et le Parti Socialiste) contrairement à l’union de la candidature commune PCF/EELV en 2017 ? Est-ce que les niches électorales sociologiques très favorable à Marine Le Pen vont-ils plus massivement se réfugier dans l’abstention au profit des électeurs mieux mobilisés de Jean-Luc Mélenchon ? La réponse dans 2 semaines !
Dans tous les cas une seule certitude, la dynamique Mélenchon est bien En Marche à la Réunion ! Voter Mélenchon, c’est voter pour la continuité du social-traite Mitterand, son père spirituel !
« Mélenchon 2022 » est un social-démocrate sur la ligne sociétale féministe et antiraciste version bobo de Terra Nova « et en même temps » la ligne indigéniste version banlieusarde… Mettre un opposant à Macron aussi soumis au politiquement correct est de mauvaise augure !
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